Biographie de Jafar As-Sadiq

    Il est Jafar As-Sadiq, Ibn Muhammad Al Baqir, Ibn Zayn Al ‘Abiddine, Ibn Imam Al Husayn, Ibn Imam Ali Ibn Abi Talib. Sa mère était la petite fille d’Abu Bakr As-Siddiq, le premier Calife. Il est né à Médine l’an 83 de l’Hégire (702-703) et y mourut empoisonné le 25 du mois de Chawwal de l’an 148 (15 décembre 765 ).

 

En évoquant le souvenir de Jafar As-Sadiq, c’est comme si nous évoquions celui de tous les membres de la Famille du de dire Prophète (saw). Quiconque ayant foi en Muhammad (saw) et n’a pas foi en ceux de la Famille du Prophète (Ahl al-bayt) est comme s’il n’avait pas foi en Muhammad lui-même (saw). L’Imam Chafi’i aimait tellement ceux de Ahl al-bayt que tout le monde le traitait d’hérétique. Il avait coutume: « Si l’on traite d’hérétiques ceux qui aiment Ahl al-bayt, que tous les hommes et les djinns me soient témoins que je suis un hérétique.» Muhammad est le roi de ce bas monde et  de l’autre monde ; or quiconque aime le roi et le connaît doit connaître, chacun en son rang, les fils et les serviteurs du roi.

 

    On raconte qu’une nuit le calife Mansour dit à son vizir : « Va, amène-moi Jafar As-Sadiq, je veux le faire mourir.

– O calife ! dit le vizir, Jafar As-Sadiq est assis dans un coin où il s’adonne entièrement aux œuvres de piété. Il ne se soucie ni de la royauté ni de la dignité de beg et il a renoncé au pouvoir ; ne le fais pas mourir. »

Et comme le vizir insistait, le calife se mit dans une colère épouvantable contre lui. Lorsqu’il fut parti pour aller chercher Jafar As-Sadiq, le calife dit à ses serviteurs : « Aussitôt que Jafar As-Sadiq sera arrivé et que je lèverai mon bonnet au-dessus de ma tête ; il faut que vous lefrappiez de vos sabres » ; et il leur fit promettre de n’y pas manquer. Cependant Jafar As-Sadiq (q) arriva, et, sur-le-champ, le calife, descendant de son trône, pieds nus, vint le saluer, lui baisa les mains et les pieds, le fit asseoir à sa propre place et, s’inclinant devant lui sur les deux genoux, s’assit lui-même en lui présentant toutes ses excuses. Les vizirs et les serviteurs, témoins de ce qui se passait, demeurèrent confondus. Alors le calife s’adressant à Jafar : « Que désires-tu ? Demande le moi.

- Ce que je désire, c’est que tu ne m’appelles plus auprès de toi et que tu me laisses en repos, afin que d’un cœur tranquille, étant uniquement occupé à des œuvres de piété, je serve sans cesse Le Seigneur  Très-Haut. »

Le calife l’ayant congédié, lorsqu’il fut parti, un tremblement s’empara du prince, qui tomba à la renverse sans connaissance et demeura ainsi jusqu’à ce que trois des cinq prières canoniques fussent accomplies. Une fois que le calife eut repris ses sens, on lui demanda : « Que vous est-il donc arrivé ?

- Lorsque Jafar As-Sadiq s’est présenté ici, j’ai vu venir avec lui un dragon si grand que sa lèvre inférieure reposait à terre, tandis que sa lèvre supérieure était placée sur cette coupole ; et le dragon m’a dit : - Si tu fais de la peine à Jafar As-Sadiq, je ne manquerai pas de t’avaler avec cette coupole. Et c’est ainsi que, frappé d’épouvante à la vue de ce dragon, je suis tombé sans connaissance. »

 

   On raconte qu’un jour, Cheikh Daoud Taî (q), étant venu trouver Jafar As-Sadiq, lui dit : « Fils du Prophète (saw), conseille-moi et donne-moi de bons avis, car mon cœur est rempli de ténèbres. » Jafar As-Sadiq lui répondit : « O Daoud ! tu es le plus grand ascète de ce temps : qu’as-tu besoin que je te donne des conseils ?

- Jafar,dit Daoud Taî , Dieu Le Très-Haut vous a créé au-dessus de toutes les créatures ; il est nécessaire d’écouter vos conseils.

- O Daoud ! répliqua Jafar, je crains qu’au jour de la résurrection mon aïeul Muhammad (saw) ne me reproche de n’avoir pas pratiqué les œuvres qu’il avait recommandées et ne me fasse rougir. O Daoud ! dans cette voie-là, la grandeur et la petitesse ne servent à rien ; ce qui est nécessaire, c’est de pratiquer des œuvres dignes de comparaître devant le trône du Seigneur Très-Haut.»

En entendant cela, Daoud Taî se mit à pleurer et dit à Dieu dans un élan de son cœur : « Mon Dieu, lui qui a un père comme le sien et une mère comme Fatima (r) se trouve ainsi glacé d’épouvante ; qu’est donc Daoud pour avoir confiance dans ses propres œuvres ? Mon Dieu, daigne ne faire désespérer aucun de nous tous des effets de ta miséricorde.»

On raconte qu’un jour Jafar As-Sadiq, étant assis avec ses compagnons fidèles, leur dit : « Venez, mes amis,faisons entre nous tous cette convention que, quels que soient ceux d’entre nous qui seront glorifiés au jour de la résurrection, nous intercéderons les uns pour les autres et adresserons nos supplications au Seigneur Très-Haut.» Ses fidèles lui répondirent : « Fils du Prophète (saw), toi qui as un père comme le tien, qu’as-tu besoin de notre intercession ? C’est à ton père qu’il appartiendra d’intercéder pour tous.

- Moi, dit Jafar As-Sadiq rougissant, avec toutes ces mauvaises actions que j’ai commises, je n’oserai même pas, au jour de la résurrection, regarder le visage de Muhammad (saw) mon père et de Fatima (r) ma mère.»

 

   On raconte que Jafar As-Sadiq (q) se confina pendant quelque temps dans une retraite dont il ne sortait pas. Un jour, un docteur (ou un savant) nommé Sofian Tsawri, vint le trouver et lui dit : « O fils du Prophète! le peuple désespère d’entendre encore ta parole bénie. Pourquoi ne sors-tu pas de cette retraite ?

- Parce que, répondit Jafar As-Sadiq, les temps sont devenus durs, que les mœurs du peuple se sont altérées et qu’il ne reste plus ni sincérité ni pureté au milieu des hommes.»

 

   Un jour, on vit Jafar As-Sadiq revêtu d’une belle tunique de prix. Quelqu’un lui dit : « Fils de Muhammad (saw), comment se fait-il que tu portes une tunique de ce genre ? » Jafar As-Sadiq ayant introduit la main de cet homme dans l’intérieur de sa manche, il vit qu’il portait en dessous une tunique de camelot grossière et rude au toucher. « C’est pour le peuple, dit Jafar, que je porte cette tunique de dessus ; quant à celle de camelot, c’est pour Dieu que je la porte.»

 

   On raconte que quelques dissidents dirent à Jafar As-Sadiq : « Tu possèdes toute espèce de qualités éminentes ; tu as la science, la piété ; tu es de plus le fils de Muhammad (saw), mais tu es un orgueilleux, au cœur superbe.» Jafar As-Sadiq répondit : « Je ne suis pas un orgueilleux, et c’est parce que j’ai chassé l’orgueil de mon cœur que le Seigneur Très-Haut m’a accordé un degré si élevé qu’il me fait paraître avec majesté aux yeux du peuple.»

 

   Un jour, Jafar As-Sadiq demanda à Abou Hanifah : « Quel est l’homme raisonnable ?

- Celui-là, répondit-il, qui sait distinguer le bien du mal.

- Mais, dit Jafar As-Sadiq, les animaux, eux aussi, savent en faire autant.

- Quel est donc l’homme raisonnable ? reprit Abou Hanifah.

- C’est celui qui, de deux choses bonnes, sait reconnaître la meilleure et est capable de discerner le pire d’entre deux maux.»

 

   Une autre fois, un homme qui avait perdu mille pièces d’or s’attaqua à Jafar As-Sadiq, qu’il ne connaissait pas, et lui dit : « C’est toi qui m’as pris mon argent. » Jafar As-Sadiq lui donna mille pièces d’or. A peine rentré chez lui, cet homme retrouva la somme qu’il avait perdue. Comme il rapportait l’argent qu’il avait reçu, afin de le restituer à Jafar As-Sadiq, celui-ci refusa de le recevoir en disant : « Nous ne reprenons pas ce que nous avons donné. 

- Mais quel est donc ce personnage qui refuse de recevoir son argent ? demanda cet homme.

- C’est Jafar As-Sadiq », lui dirent les assistants. Alors lui, tout honteux, baisa les mains et les pieds de Jafar As-Sadiq en lui demandant pardon ; mais Jafar As-Sadiq ne voulut jamais reprendre son argent.

 

   Un jour Jafar As-Sadiq marchait seul dans une plaine tout en disant : « Allah! Allah! » Un pauvre étudiant suivait Jafar As-Sadiq en disant lui aussi : « Allah! Allah! » Au bout d’un certain temps Jafar As-Sadiq dit : « Mon Dieu, je n’ai pas de tunique. Mon Dieu, je n’ai pas de manteau. » A peine avait-il parlé que, dans un paquet, descendit du ciel un habillement complement dont il se revêtit. Le derviche s’écria : « Nous étions associés dans la prière ; maintenant que tu as mis les habits neufs, donne-moi les vieux. » Cette demande plut à Jafar As-Sadiq, qui lui donna ses vieux habits.

 

   On raconte que quelqu’un vint trouver Jafar As-Sadiq et lui dit : « Fais-moi voir le Seigneur Très-Haut » ; et lui de répondre aussitôt : « O homme, lorsque Moussa le prophète (as) a demandé à voir la face du Seigneur, une voix venue de Lui a dit : tu ne pourras jamais me voir.

- Mais, reprit l’autre, nous sommes le peuple de Muhammad (saw), nous autres, et il nous est permis de voir.

- Liez cet homme et jetez-le dans le fleuve », commanda Jafar As-Sadiq. Aussitôt on l’attacha et on le jeta à l’eau. Il y plongea une fois et reparut à la surface en criant : « O fils de Muhammad (saw)! Viens à mon secours » ; et il s’enfonça une seconde foissous l’eau. Quand il remonta, d’après l’ordre de Jafar As-Sadiq, on le laissa crier sans que personne lui tendît la main. Alors, n’espérant plus rien des assistants, il dit : « Mon Dieu, fais-moi miséricorde et viens à mon secours. » Cette fois, Jafar As-Sadiq commanda qu’on le retirât de l’eau. Au bout de quelques instants, quand il fut revenu à lui, Jafar As-Sadiq lui demanda : « Eh bien, as-tu vu le Seigneur Très-Haut ?

- J’avais beau vous appeler, répondit-il, je ne voyais venir aucun secours. Lorsque, n’attendant plus rien de vous, j’ai mis mon espoir dans le Seigneur Très-Haut, une porte s’est ouverte dans mon cœur, et quand j’ai regardé par cette porte, j’ai trouvé tout ce que je désirais.

- Maintenant donc, dit Jafar As-Sadiq, laisse là tout le reste et n’abandonne jamais cette porte. »

 

   Une autre fois, Jafar As-Sadiq dit : « Quiconque prétend que le Seigneur Très-Haut est en haut, en bas, dans n’importe quel endroit, ou bien encore qu’il est de telle ou telle nature, celui-là est un infidèle. Quiconque ayant commis un péché en ressent d’abord de la crainte, puis se montre repentant et en demande pardon, il est certain que celui-là est bien près du Seigneur Très-Haut. Toute œuvre de piété qui, ne procédant pas d’abord d’un sentiment d’humilité, finit par donner au cœur une assurance fondée sur la superbe, cette œuvre-là éloigne le fidèle du trône de Dieu.  Quand un fidèle se montre obéissant, mais est arrogant et plein d’orgueil, il devient rebelle ; si, étant devenu rebelle, il éprouve le sentiment de la crainte, alors cet arrogant entre dans le rang des serviteurs obéissants. »

 

   On demandait à Jafar As-Sadiq si un pauvre qui supporte patiemment la pauvreté valait mieux qu’un riche qui se montre reconnaissant. « Le plus méritant, répondit-il, est le pauvre qui supporte patiemment la pauvreté, parce que le cœur du riche est avec son argent, tandis que le cœur du pauvre qui n’a pas d’argent mais de la patience est toujours avec le Seigneur Très-Haut. Se souvenir de Dieu n’est possible qu’à la condition d’oublier tout ce qui est en dehors de Lui. Le fidèle est celui qui renonce à lui-même. L’homme éclairé est celui qui, laissant de côté toute chose, ne recherche que le bon plaisir de Dieu et parvient à la connaissance de Dieu. Quiconque se mortifie en vue de ce bas-monde obtient le pouvoir d’opérer des miracles, et quiconque se mortifie en vue de Dieu parvient jusqu’à Dieu. »

 

   Il disait encore : « Je n’ai eu une connaissance tout à fait claire de la route des mystères que du jour où l’on a dit que j’étais fou. Quiconque a un ennemi éclairé, c’est le signe d’une heureuse fortune. Il faut vous tenir éloignés de la société de cinq espèces de personnes :

 

  • les menteurs
  • les sots qui, s’imaginant qu’ils vous seront utiles, vous causeront du dommage sans se rendre compte qu’ils vous sont nuisibles
  • les ladres qui, dans les temps d’indigence, ne vous prêteront aucun secours et se montreront avares envers vous
  • ces gens sans cœur qui, dans les circonstances critiques, détourneront leurs visages de vous et vous laisseront périr
  • ces hommes vicieux et sans dignité qui, en toute occasion, médiront de vous pour une bouchée de pain. »

 

   Il disait encore : « Le Seigneur Très-Haut a créé le paradis et l’enfer dans ce bas monde. Le paradis de ce bas monde, c’est la sécurité ; l’enfer, c’est le malheur. La sécurité consiste à remettre ses affaires entre les mains du Seigneur Très-Haut et à placer sa confiance en Lui. Le malheur, c’est que, dirigeant en personne tes propres affaires, tu veuilles ne t’en rapporter qu’à toi-même pour les conduire. » Il disait encore : « Si un dommage quelconque venant d’un méchant pouvait nous atteindre, certes il en serait arrivé un à Assia de la part de Pharaon. De même, si un profit avait dû revenir aux méchants de la part des bons, la femme de Nouh le prophète (as) aurait profité de sa société. Tout ce qui arrive dans ce monde dépend de la  toute-puissance du Seigneur Très-Haut. » Dieu seul sait tout.

 

 

 

 

Tiré du Mémorial des Saints de Farid-ud Din Attar aux Editions du Seuil

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