Du combat contre la nafs

Du combat spirituel contre la nafs  (jihâd an-nafs) et de sa modalité concrète



Chaque fois que tu combats ta nafs, la vaincs et la tues avec l'épée de la « contradiction » [1] ; Allâh lui redonne vie. Elle se dressera (à nouveau) contre toi et exigera que tu lui accordes ses désirs, ses plaisirs « illicites » ou « permis ».

C'est ainsi que tu retournes au combat, à l'effort de l'emporter (sur la nafs) pour que te soient constamment inscrites des récompenses. Voilà le sens de la parole du Prophète : « Nous revenons de la petite guerre sainte vers la grande guerre sainte » [2]. Il parlait du combat contre la nafs, du fait de l'acharnement de cette dernière dans les désirs et les plaisirs, et de son entêtement dans la désobéissance [à Allâh]. C'est également le sens de la Parole divine : « Et adore ton Seigneur jusqu'à ce que te vienne la certitude » [3]. C'est là un ordre d'Allâh à Son Prophète de continuer l'adoration, laquelle est opposition à la nafs. Car la nafs refuse toute adoration, et ne recherche que son contraire, jusqu'à ce que vienne la certitude ; c'est-à-dire la mort.

Si l'on objecte : « Comment la nafs de l'Envoyé d'Allâh refuserait-elle l'adoration, alors qu'il n'a pas de passion ? » (Selon la Parole divine) : « Il ne parle pas selon la passion, ce qu'il récite lui est révélé » [4]. Il sera répondu qu'Allâh S'adresse à Son Prophète pour que soit fixé (par son exemple) la Loi Sacrée et qu'elle s'applique à sa communauté jusqu'à la venue de l'Heure. Par ailleurs, Allâh a donné à Son Prophète la force de dominer la nafs et la passion pour qu'elles ne lui fassent aucun tort, ni ne le contraignent à lutter. En cela il est différent du reste de sa communauté.

Maintenant, si le croyant persiste dans ce combat jusqu'à la mort, et qu'il rejoint son Seigneur avec une épée dégainée et rougie par le sang de la nafs et de la passion, Celui-ci lui accordera le Paradis comme l'assure Sa Parole « Mais ceux qui redoutaient de comparaître devant leur Seigneur et qui gardaient leur âme des passions, auront le Paradis pour refuge » [5].

Et s'il entre dans le Paradis, il en fait sa demeure, sa permanence et son lieu de repos. Il est assuré de ne plus en sortir pour aller ailleurs et se retrouver dans ce monde-ci.

Quant à l'impie (kafîr), à l'hypocrite (munâfiq) et au pécheur ('âsî), qui eux n'ont pas mené la lutte contre la nafs et la passion dans ce bas-monde, mais ont obéi et ont été d'accord avec le diable (shaytân), ils se sont amalgamés avec toutes sortes de péchés, tels l'impiété,« l'association » et d'autres de moindre degrés d'importance, jusqu'à la survenue de la mort en dehors de l'Islâm et du repentir. Allâh les précipitera dans le feu promis aux impies selon Sa Parole : « Craignez le feu destiné aux impies » [6].

S'Il les y précipite et en fait leur résidence et leur aboutissement final, le feu brûle leurs peaux et leurs chairs, lesquelles seront (constamment) renouvellées. Allâh dit « Chaque fois que leurs peaux sont consumées, nous leur donnerons d'autres peaux » [7]. Il fait cela tout comme eux ont agrée leurs âmes (nufûs) et leurs passions, dans ce monde-ci, dans leurs états de rébellion contre Lui.

Pour les gens du feu, leurs peaux et leurs chairs sont continuellement remplacées afin qu'ils goûtent aux souffrances. Pour les gens du Paradis, les bienfaits sont continuellement renouvellés pour que leurs désirs et sensations soient intensifiés.

Et la cause de cette situation se trouve sans le combat contre la nafs et au refus de lui obéir dans ce monde-ci. Cela est le sens de la parole du Prophète : « Ce monde-ci est le champ d'ensemencement de l'autre monde ».





Notes :

[1] : C'est-à-dire en la contredisant, en s'opposant à ses volontés, et à ses discours.

[2] : La traduction habituelle de Jihâd par guerre sainte a été maintenue.

Le terme Jihâd est dérivé de la racine J.H.D. qui connote les idées d'effort, de travail assidu, de lutte contre les difficultés etc. Il es clair que le sens premier de ce combat est spirituel, car le domaine de la Connaissance et de l'Être a toujours eu la précellence sur celui des contingences (dans la vision traditionnelle).

Cette dernière affirmation pourra être contestée si on ne prend pas garde qu'il est question de la vision réellement traditionnelle, et non des péripéties de l'histoire "trop" humaine que d'aucuns sont tentés de prendre, sans plus ample examen, pour la « Tradition ».

Toutefois il faut signaler que la « guerre » proprement dite n'est qu'un application temporelle du Jihâd (c'est pourquoi elle est qualifiée de « petite ») qui ne concerne que la défense de la communauté traditionnelle en tant que telle (la guerre pour les buts profanes est nommée harb).

Selon une toute autre approche, il est curieux de noter que les trois lettres J.H.D. ont pour valeur numérique 3, 5, 4, c'est-à-dire celles du célèbre triangle pythagoricien, et dont le symbolisme a été commenté par René Guénon, comme ayant trait à la « Volonté » dans le microcosme et au domaine animique dans le macrocosme.

Ceux qui seront intéressés par ce sujet pourront se reporter au chapitre 21 de « La Grande Triade » notamment les pages 176 et 177 de l'édition Gallimard 1957, où René Guénon cite la doctrine pythagoricienne affirmant que : « la Volonté évertuée par la foi... pouvait subjuguer la Nécessité elle-même, commander la Nature, et opérer des miracles ». L'on peut ainsi constater que le sens de notre racine verbale se retrouve pleinement et qu'il ne s'agit pas ici d'un jeu stérile et purement cérébral. De plus, si l'on utilise le « petit jafr », où il est possible d'interchanger des lettres de même valeur numérique, et si l'on change le jîm en shîn (tous deux ont de valeur 3), on obtient la racine Sh.H.D. qui donne les idées de « contemplation », « témoignage », et secondairement de « martyre ». Ce dernier terme ne doit pas suggérer de réaction émotionnelles, mais être rapproché du « nul ne peut voir Dieu sans mourir » de l'Ancien Testament.

Il faut peut-être ajouter que nul ne porte témoignage de la vérité dans ce monde ténébreux, sans en subir les conséquences.

Pour résumer ce propos qu'il faut clore, il y a l'adage suivant de la Voie : Jâhid tushâhid, soit « luttes sérieusement, tu contempleras ».

[3] Qur'ân, sourate n°15, verset 99.

[4] Qur'ân, sourate n°53, verset 34.

[5] Qur'ân, sourate n°79, verset 41.

[6] Qur'ân, sourate n°2, verset 24.

[7] Qur'ân, sourate n°4, verset 56. renouvelle tous genre de bienfaits, et le revêt de toutes espèces de robes d'honneurs, sans fin, sans tarissement. Tout comme lui, dans ce bas-monde, avait renouvelé chaque jour, à chaque heure et à chaque instant, sa lutte contre la nafs et la passion.

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